Caravane, séjour à Tzajala avant la perdition dans la jungle de Santa Rita, Mexico, 2011/2012

Publié le par Et si on s'envoyait en l'Ere

Séjour au centre Ha Omeca, partenaire de Sierra à Tzajala (J3 à J7)

Arrivée à Ha Omeca (à 1h30 de San Cristobal), pour le Réveillon dans ce lieu de ressourcement et de développement local créé il y a 25 ans par Sylviane et Marzo, couple franco-mexicain. 4 jours pour souder le groupe autour d’activités nourricières : le jardin de permaculture et ses aires de compostage, la champignonnière (culture de pleurotes), le compost de toilettes sèches, la fabrication d’un mandala géant…et comestible pour la fête de fin d’année. Un autre temps fort partagé sera le temascal ou sauna maya dans une sorte de yourte. Au centre, des pierres chauffées à blanc : rituel de purification des amérindiens, lieu de pratique des sages-femmes pour préparer la naissance. Pour certains, l’initiation à une nouvelle cosmovision aura lieu dans cette matrice puissante et généreuse.

Sylviane, la fondatrice est aussi la principale animatrice du centre de séjour communautaire qui accueille régulièrement les étrangers. Volontaires internationaux, stagiaires, voyageurs d’un jour ou plus, les affinités tissent harmonieusement une inter culturalité créative et chaleureuse. Sylviane travaille aussi en coopérative avec les apiculteurs et caféiculteurs du village ; leurs produits sont commercialisés dans la petite cafeteria qui offre en bord de route leurs spécialités gastronomiques. Quelques objets d’art, de l’artisanat textile fabriqué par les volontaires de Ha Omeca voisinent avec les bijoux d’ambre de l’atelier de son époux Marzo. Ce dernier a progressivement formé les jeunes indiens tzeltales du village au travail de l’ambre qui est devenu une spécialité lucrative sur cet axe routier vers les sites archéologiques mayas. Cette expérience communautaire réussie draine de nombreuses bonnes volontés juvéniles et internationales dans des chantiers agroécologiques tout au long de l’année, pour une recherche d’autonomie alimentaire et matérielle. De nouvelles demandes d’installation permanente émergent actuellement dans ce lieu d’un seul Ha qui devient progressivement éco village mais doit trouver à s’étendre pour satisfaire les besoins alimentaires croissants.

 

La caravane s’étire vers Santa Rita

(J7) via une étape à San Cristobal pour les derniers préparatifs logistiques, achats d’équipement pour le chantier : une quantité impressionnante de choses apparemment indispensables et que le groupe abandonnera au départ pour équiper le futur centre. Pompe à eau et groupe électrogène assureront un confort inusité dans la selva, de nombreux outils à main pour pallier les machines trop gourmandes en carburant, agroécologie oblige ! Bottes et sérum anti-venimeux pour les déplacements en toute sécurité ; des kgs et des kgs de céréales, légumineuses, sucre accompagneront l’ordinaire alimentaire maïs et frijol (haricot noir) fourni par nos hôtes de Sta Rita. Bref, une impressionnante caravane se répartira en 5 taxis surchargés vers le terminus des bus direction Comitan, dernière ville au Sud du Mexique et correspondance pour la Ruta Maya vers la selva.

Les membres de la caravane sont priés d’afficher leurs ambitions écotouristiques par poquets intégrés peu à peu dans les différents microbus en partance, discrétion sur nos objectifs oblige. En effet, cette route frontalière est stratégique pour surveiller les allées et venues des différents types de voyageurs qui l’empruntent et il ne faut pas éveiller les soupçons des militaires chargés de la contrôler.  Aucune autre projet que s’enfoncer faire du camping en forêt pour observer faune et flore, rien que du politiquement correct au pays des ardents défenseurs de la nature, les pouvoirs publics mexicains !?

J8 : Arrivée à Sta Rita , la caravane se regroupe sans encombre chez notre hôtesse Eufémia, la leader paysanne à l’origine du projet (voir in Acteurs locaux). Il pleut, ce qui va compliquer considérablement nos transferts, surtout le portage du matériel, prévu d’être livré en tracteur.

J9 : On charge tout sur le tracteur et on s’en va vers la selva, droit(e)s dans nos bottes. Elles s’avèrent indispensables passés les premiers kms de terre ferme, bientôt les ornières deviennent fondrières où le tracteur finira par s’enliser irrémédiablement. Tout arrivera finalement à bon port… par tous les moyens du bord, à dos de cheval, d’homme…et de femme, avec courage. L’accueil chaleureux de Gerardo et Maria, nos hôtes dans leur résidence sylvestre(une palapa déjà construite), revigore les énergies des volontaires ; le groupe électrogène fonctionnera dès le 1er soir, apportant une note rassurante dans l’océan nocturne de la selva. On pourra en effet maintenir les sérums vitaux au frais…et de temps à autre du lait pour améliorer l’ordinaire !

J10 : Les contretemps s’enchaînent sur le chantier: la vaste parcelle en pente déjà défrichée devait être arasée par une machine elle aussi bloquée sur la piste par les intempéries : il faudra piocher à la main pour l’aplanir en plate-forme. Le bois d’œuvre censé être fourni par la communauté n’est pas prêt, les scieurs ne sont pas au RV.  Heureusement le soleil se met de la partie et sèche rapidement les accès glissants.                                                                                                                                                               Retrousser ses manches pour façonner une belle esplanade de 80m2 prendra 3 jours. Les équipes commencent à se former sous la houlette d’Esteban et Gerardo : terrassiers et coupeurs de bois à la machette se déploient entre la plate-forme et la rivière en contrebas. Vincent déroule les 100m de PVC pour amener l’eau au campement mais la pompe de 4,5CV refuse de hisser le précieux liquide jusqu’aux cuisinières. Une noria permanente s’établira toute la durée du chantier entre le ruisseau et la palapa supérieure.

J11 : l’équipe d’enquêteurs participatifs (Marielle, Marie, Fabian et Nat) lâche le groupe pour visiter d’autres communautés du Compitch, à leur demande. On ne reverra Fabian qu’au retour à Sta Rita où il gardera le hamac avec une grosse crève, recevant ses informateurs comme un pacha.

J12 à J14: les activités se diversifient en 3 groupes : l’un pour creuser des trous d’1m ou seront plantés les piliers de la structure (équipe Conejos-lapins, voir témoignages plus loin) ; un 2nd groupe (Hormigas-fourmis) pour tirer les longues tiges de bois débités à la machette et terrasser le chemin d’accès à la rivière). Enfin un 3ème pour aller aux champs récolter maïs, tubercules et herbes qui constituent l’ordinaire de la cuisine.                                                                                                                                                                                  15 : Retour de nos enquêteurs de leur périple et bienvenue aux scieurs de long qui font retentir la forêt des vrombissements de leurs tronçonneuses, au grand désarroi des singes hurlant leur colère. La veillée nocturne offrira un temps de méditation sur nos actions destructrices du milieu : offrande de lumière et d’encens pour demander pardon et permission aux divinités sylvestres ; nous aurions dû le faire avant, mais l’intention y est ! Gratitude générale pour ce déroulé de chantier sans gros pépins sanitaires.

J16-17 : l’équipe fourmis besogne dur pour haler les gros madriers, plutôt transformés pour l’occasion en mille-pattes. 1 à 1, ces 13 énormes poteaux seront fichés en terre, vendredi 13 janvier par les 13 fourmis restées au camp, ça ne s’invente pas et c’est de bon augure ! Les autres ont opté pour une rencontre agroécologique avec la communauté de Sta Rita.

J18-Samedi 14/01

Fabian présente l’agroécologie aux  9 agriculteurs présents, pour les sensibiliser à d’autres solutions que le brûlis, désormais prohibé par les mesures gouvernementales de protection de l’environnement. Le groupe présent se mobilise dans une alternative de fertilisation possible pour construire un compost. L’après-midi sera consacrée à visionner plusieurs films sur les initiatives menées ici et là en Amérique Latine et en Europe par les mouvements d’écovillages.

J19 à 21- Fin du chantier sous la pluie : mise en place d’une butte de permaculture  avec les femmes au campement.  Spectaculaire et tardive arrivée nocturne de Juan Ignacio, l’assesseur de Compitch, salué d’applaudissements  car il avait juste failli se cantonner au rôle de l’Arlésienne dans cette affaire. Mais non, il est bien là, en chair et en os! Sa présence est appréciée de tous, comme la cerise sur le gâteau qui n’avait pas été servi à l’arrivée à San Cristobal (accueil froid comme le climat).

Mercredi 18, une aube grise et brumeuse un peu comme l’humeur des caravaniers qui doivent prendre le chemin du retour vers Santa Rita. Tout le matériel doit être rapatrié à nouveau à dos car la boue est encore un obstacle considérable. La caravane s’étire sur les 8km de piste, chacun(e) à son rythme mais encouragés tous par la perspective joyeuse d’un dernier repas de fête : le poulet au mole (sauce pimentée au chocolat), grande spécialité  de  cuisine mexicaine. Tout le monde se retrouve autour de la table généreuse d’Eufemia pour des adieux émus et prolongés. Ce n’est qu’un au-revoir pour nombre de volontaires qui souhaiteraient suivre l’évolution du projet.

A présent, la balle est dans le camp des mexicains pour poursuivre leur chantier après ce fameux coup de mains.

 

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